Retrouvez ci-dessous mon interview dans le Nord Littoral publié le 7 mai 2016
Philippe Blet croit en sa bonne étoile (interview)
L’ancien président de Cap Calaisis sort de son silence et règle ses comptes avec la majorité en place. Alors qu’il devrait faire son retour lors du Conseil municipal du 10 mai, il se confie à Nord Littoral. Morceaux choisis
Philippe Blet n’en a pas terminé avec la politique. Lui qui porte désormais sur ses épaules les couleurs du Front démocrate veut croire en son retour. A-t-il digéré d’être chassé de son fauteuil de président de Cap Calaisis en avril 2015 ? Pas vraiment…
« Ce qui s’est passé était évidemment politique. J’étais conscient qu’un jour où l’autre, ça arriverait, je ne savais tout simplement pas quand. Elle (Natacha Bouchart, ndlr) a choisi les régionales, elle aurait pu choisir les municipales. J’avais coutume de dire qu’à l’agglo, je signais un nouveau CDD toutes les 24h. Un ami m’a dit que c’était illégal, et qu’il fallait que j’attaque la ville», plaisante-t-il, comme pour chasser la réalité qui le rattrape.
Un an a passé. Il en a profité pour se reposer, prendre du recul, retrouver un poste d’éducateur. « Je suis passé de 35 heures par jour à 35 heures par semaine, glisse-t-il, s’obligeant à une cure de silence salvateur : face au tsunami d’absurdités, j’ai préféré me taire.»
Pour mieux renaître de ses cendres ? « En politique, rien n’est fini dans un sens comme dans un autre. » Il cite plusieurs exemples pour s’en convaincre: « Regardez François Hollande, qui le voyait président ? Et François Mitterrand après le vrai-faux attentat de l’Observatoire en 1959 ? Nicolas Sarkozy quand il a soutenu Balladur? Sans oublier Lionel Jospin, que tout le monde voyait président…, on connaît la suite. »
Pour l’élu, il est clair que son éviction coïncide avec un tournant : le jour où « la ville a arrêté de regarder sur sa gauche », qu’il n’a jamais cessé selon lui d’incarner, malgré la scission provoquée avec le PS en 2008 quand il accepta de rejoindre la majorité Bouchart. « J’ai toujours gardé ma sensibilité tout en étant loyal au pouvoir en place. Quand vous défendez la cohésion sociale, les médiateurs, la politique de citoyenneté, ce sont des thématiques de gauche. Où sont-elles aujourd’hui ? En 2008, c’était ma liberté de choisir et en 2015, j ‘ai repris ma liberté. En 2014, j’ai passé un nouveau contrat, moral et politique que moi j’ai respecté. On m’a fait passer pour quelqu’un que je ne suis pas. Personne n’était soi-disant au courant de mes agissements. Quand j’ai lu ça, je me suis dit : «Waouh, je suis impressionné par ce type. Il a dû faire une grosse séance de vaudou sur tous les élus pendant six ans pour y arriver. Quel talent ! Comment ont-ils fait pour faire croire qu’il n’y avait qu’un seul responsable ? Il y a eu sept rapports d’activité, tout le monde connaissait la situation. »
Philippe Blet est amer : « En 2008, nous avons fait un mariage de raison contre la politique politicienne sur ces deux notions majeures que sont l’audace et le rassemblement. Aujourd’hui, je retrouve les mêmes mécanismes misérabilistes, les mêmes raisons de ne pas faire les choses. Calais ne s’appuie pas sur la capacité des gens à créer. On reste assis sur une petite mine d’or. Le petit brin d’herbe, on ne l’aide plus à pousser. »
Et pour l’aider, il n’y a pas trente-six solutions selon l’ancien socialiste : « J’ai toujours dit que les politiques publiques, si on voulait maintenir notre capacité à les financer, il fallait passer par l’impôt, encore plus dans un contexte de baisse des recettes et des dotations de l’État. L’impôt, les gens veulent bien le payer à partir du moment où l’on donne du sens à ce que l’on fait ; c’est le drame de la politique actuelle de ne plus faire sens. » Et l’élu de prendre un exemple concret : « l’école d’art est un magnifique équipement mais on ne le tire pas vers le haut. Il n’y a pas assez d’animations. Avec le théâtre et Calais Cœur de vie à proximité, on a pourtant les moyens de faire quelque chose de bien. C’est comme si, on avait une belle Ferrari sans les moyens de mettre du gasoil dedans. »
Cette levée de l’impôt, Philippe Blet pense qu’il fallait la mettre au diapason d’une communauté d’agglomération réunifiée. « C’est un rendez-vous manqué. Il fallait oser rassembler et oser parler d’une fiscalité claire pour fixer de nouveaux enjeux pour le territoire. Quand on créé un équipement qui profite à tout le territoire, il est logique et équitable que tout le monde participe à l’impôt. Aujourd’hui, on ne cesse d’opposer la ville à la ruralité, il n’y a pas de cohérence entre la ville et le territoire, pas de vrais projets politiques. Visiblement, la seule question qui était importante, c’était : qui va être chef ? »
Effaré par l’image donnée par la ville
En attendant, l’ancien président de Cap Calaisis est effaré par l’image donnée par la ville. « Quand vous en appelez à l’armée sur le sujet des migrants, vous faites croire aux yeux du monde que Calais est en guerre. Hormis dans la jungle et sur la rocade où la situation est très tendue, il n’y a pas d’incidents. Et s’il y a des délits, cela relève de la police, qui fait un travail remarquable. Calais est-ce la Syrie ? Est-ce le Mali ? Est-ce la Libye ? Non. Le choix des mots, en politique, est très important.»
Philippe Blet fait le même raisonnement avec le nom de la nouvelle région qui n’a « pas de sens » selon lui. « Comment voulez-vous que les gens se projettent ? Quand vous dites Cap Calaisis, vous pensez au territoire et au cap qu’il s’est fixé, ce vers quoi il tend, il y a un projet derrière. Hauts-de-France, ça renvoie à quoi ? ».
Fiertés et Regrets
Ses fiertés
– « Je suis assez fier d’avoir importé le concept d’innovation et d’avoir créé une dynamique sur le territoire. La création est une lumière dont il ne faut pas avoir honte. On a trop souvent tendance à cacher nos atouts. »
– « J’éprouve beaucoup d’émotion à évoquer l’allocation réussite étudiante pour donner leur chance aux jeunes, un petit coup de pouce pour leur formation. »
– « Tout ce qui a été fait autour de l’éducation artistique ; j’ai participé à la démocratisation de l’action culturelle à Calais. Pour moi, la culture, ce n’est pas un problème d’argent. J’en entends plein dire : la culture, ce n’est pas pour moi, je n’y comprends rien, mais il n’y a rien à comprendre. La culture renvoie à l’émotion, appelle à l’imagination. Le rapport à l’art est totalement différent pour chacun d’entre nous. »
Ses regrets
– « Peut-être de ne pas avoir été plus loin dans mes idées. Disons que j’avais gardé sous le pied quelques idées rock and roll que j’aurai bien aimé mettre en place, dont un musée faisant le lien entre la mer et la terre, quai Paul Devot. Il faut absolument que l’on s’écarte des sentiers battus…»
– « J’aurais dû faire davantage pour la qualité du dialogue social à Cap Calaisis. Je n’ai pas assez pris en compte la dimension politique du sujet… »
– « Je regrette de n’avoir pu mener le projet initial du palais des congrès à son terme. La nouvelle version fait un peu pauvre. C’est une faute politique qui démontre bien l’ambition actuelle de la majorité municipale. Le palais devait être le totem du territoire. Les congressistes qui assistent à des conférences, des salons, dépensent beaucoup d’argent, 150 à 300 euros par jour. Mais si on en fait une salle de spectacle, un projet au rabais, cette dépense n’existera pas. »
– « J’aurai pu davantage préparer en amont la fusion des intercommunalités pour que, l’aspect purement technique réglé, on se concentre uniquement sur les projets. Aujourd’hui, on ne parle que de l’aspect technique. C’est bien dommage… »