VdN : Vous faisiez partie des membres de gauche de la liste d’union populaire et sociale, conduite par Natacha Bouchart en 2008. À neuf mois de la fin de votre mandat, et en tant que président de l’agglomération et premier adjoint calaisien, quel bilan faites-vous ?
Philippe Blet :« À l’époque, Natacha Bouchart avait réuni des conditions politiques qui ont été validées par les Calaisiens. Pour faire notre bilan, il faut revisiter nos seize pages de programme et voir ce que l’on a mis en place. C’est la seule question que les Calaisiens doivent se poser. Ont-ils fait ce qu’ils ont dit ?
Vous dites que les Calaisiens jugeront votre bilan par rapport au programme de 2008 : ne jugeront-ils pas surtout le bilan de la liste majoritaire sur le thème de l’emploi ?
En tant que président de l’agglomération, avec la charge du développement économique, il y a cinq ans, je n’avais pas de foncier. Aujourd’hui, je peux accueillir des entreprises. Il y a cinq ans, nous n’avions pas d’outils pour agir localement. Aujourd’hui, nous avons notre propre service d’archéologie, une couveuse d’entreprises, des fonds d’innovations, la Maison de l’emploi… Dès qu’un brin d’herbe pousse, nous l’accompagnons. Nous savons maintenant que le Calaisis est l’un des deux premiers bassins créateurs d’emplois de la région. Malheureusement, de l’autre côté, nous perdons des emplois sur des sujets que nous ne maîtrisons pas. De plus, le centre des congrès est lancé et la friche Monoprix va accueillir un superbe équipement culturel ».
« Déjà, je ne pense pas que l’on soit élu sur un bilan, mais sur un programme. Ensuite, nous avons dû faire face à un tsunami avec cette crise économique sans précédent. La différence avec le Dunkerquois et le Boulonnais est que nous avions moins d’entreprises au départ. Eux sont restés à 13 et 14 % de chômage, nous sommes passés à près de 18 %. Or, ces entreprises représentent une digue contre ce tsunami. Mais, je le répète, si une entreprise voulait venir il y a cinq ans, je ne savais pas où l’installer. Maintenant, si. Mais on a beau avoir des terrains disponibles, il faut aussi le faire savoir. C’est ce que nous faisons notamment dans les salons. Et je demande aux investisseurs de retenir deux chiffres : chez nous transitent chaque année 30 millions de personnes et 60 millions de tonnes de fret. Enfin, les projets que nous avons lancés auront des répercussions dans les années à venir : le golf, le centre des congrès, Calais Premier, le parc d’attractions… »
Votre mandat s’est-il déroulé comme vous l’envisagiez ?
« Je n’ai qu’un regret, de ne pas être allé aussi vite que je le souhaitais. Le temps est une notion difficile à intégrer chez un élu, chez tous les élus d’ailleurs. Prenons l’exemple de la zone de la Turquerie, nous avons lancé l’acquisition des 160 hectares le 7 juillet 2008. On peut seulement aujourd’hui commencer à construire dessus »
Un mandat vous semble trop court pour mener à bien vos projets…
« Oui, et c’est pourquoi je suis candidat à ma succession à la tête de l’agglomération. Nous avons mis en place beaucoup de projets d’innovation, de la formation. Avec les élus, nous avons remis le Calaisis en mouvement et cette volonté de faire bouger ce territoire me tient à cœur »
Souhaitez-vous également rester premier adjoint ?
« Oui. En 2008, Natacha Bouchart a eu ce courage, ce projet fou de réunir des gens d’horizons politiques différents. Et des fous comme moi l’ont rejoint. Les conditions politiques étaient réunies pour créer cette dynamique. Cette équipe plurielle a pris des responsabilités politiques et cela fonctionne. En 2014, les Calaisiens décideront. Mais avant de parler de ralliement à Natacha Bouchart, je suis d’abord intéressé par un projet politique. Avec le MRC, on veut d’abord établir un programme local, un contrat social, un pacte fiscal »
Natacha Bouchart a annoncé qu’elle était candidate et que sa future équipe aurait, comme en 2008, des composants de droite, de gauche, du centre et des apolitiques. En serez-vous ?
« Que Natacha Bouchart annonce être candidate est naturel. C’est le contraire qui m’aurait étonné. Elle a aujourd’hui la responsabilité de créer une liste. Mais avant de parler ensemble, nous devons d’abord dresser notre bilan »
Pourriez-vous partir comme tête de liste, seulement avec le MRC ?
« Cela peut être une solution si, in fine, je ne suis pas entendu. Mais il y a une nouveauté par rapport à 2008 : les élus communautaires ne seront plus choisis par les communes mais élus au suffrage direct (NDLR : les premiers noms de la liste seront directement élus à l’agglomération). Ils auront une légitimité ».
Le MRC a-t-il les moyens de faire campagne ?
« Oui, mais la question ne se pose pas à cette heure, la question tourne autour du bilan. Je vais rencontrer le maire pour que nous fassions ce bilan. C’est un engagement que nous avons pris auprès de la population. Et j’ai toujours été loyal au projet municipal de 2008. Même si j’ai pu avoir des positions politiques qui étaient différentes de celles du maire pour les régionales, les sénatoriales, la présidentielle… »
Pensez-vous que la population a bien compris ces opinions divergentes au sein de la majorité ?
« Partout en France, il y a des municipalités gérées par le PS et le PC, le centre et l’UMP. Ils dirigent ensemble mais ont des positions différentes sur d’autres scrutins. Nous avions un contrat avec les Calaisiens et il n’y a eu aucune surprise. C’est un vrai contrat citoyen, avec une même vision pour le territoire. Nous n’avons pas fait comme Nicolas Sarkozy en 2007 qui a été élu avec des voix de droite et qui a pris ensuite des gens de gauche pour gouverner. Nous, tout était clair ».
Beaucoup remettent en cause votre positionnement à gauche ?
« Le MRC se situe bien à gauche, non ? Où se situe Philippe Blet sur l’échiquier politique ? À gauche. Les gens de gauche ont leur part de réussite dans le projet municipal. Nous avons fait notre travail. Cela a aussi été le cas à l’agglomération où des projets, absents du programme, ont fait l’unanimité, comme l’allocation de réussite étudiante par exemple. Et à Cap Calaisis nous travaillons avec des élus de sensibilités politiques différentes. »
C’est une chose que vous reprochent vos adversaires qui doutent que vous êtes de gauche…
« Parce qu’ils n’ont pas compris la claque du 16 mars 2008… En 2007, quand j’étais au PS, je disais qu’on allait droit dans le mur. Ce sont les apparatchiks qui pensent que je suis de droite. Quant aux attaques… Moi, je n’ai jamais critiqué les hommes, seulement les politiques publiques »
Et si le PS revenait vers vous ?
« Je leur demanderai quel est leur projet politique. Les gens votent pour des projets, pas pour des hommes ou des partis »
Le MRC au niveau national ou départemental, peut-il, comme le PS l’a subi avec le PC, vous demander de vous allier avec un parti politique ?
« Au MRC, on décide localement. Cela irait contre mes idées. J’avais tellement dit à l’époque au PS qu’il fallait arrêter de vendre Calais aux communistes. Pour l’instant, avec le MRC, nous travaillons sur un projet pour la période 2014-2020. C’est le plus important : le projet de
territoire »
Quelles sont vos relations avec Natacha Bouchart ?
« Nous avons des relations professionnelles, vous me faites rire avec vos questions ! Nous voulons faire bouger le territoire. Comme à l’agglomération. Je rappelle que tous les budgets ont été votés à l’unanimité. Je pense que les habitants du Calaisis veulent du concret. Et que cela les intéresse plus que les jeux d’appareils politiques. Avec notre liste d’union, nous avons redonné de la démocratie à la ville. Grâce à ce qu’il s’est passé, il y a maintenant de la respiration démocratique. Les Calaisiens ont enfin le choix. »
Avez-vous analysé et digéré vos défaites électorales aux législatives et aux cantonales ?
« Aux législatives de 2012, j’ai été victime de la tornade rose. Je n’avais pas mesuré cela. Après l’élection de François Hollande, cette vague socialiste a tout emporté. Il m’a fallu une heure et demie pour m’en remettre. C’était peut-être une erreur mais je voulais faire passer des messages. Ce n’est pas un drame non plus. Quant aux cantonales, j’ai fait moins de 7 % dans un canton cadenassé par le Parti communiste. Avec le PS, nous avons fait environ 20 %, le score habituel socialiste »
Beaucoup de voix s’élèvent contre votre projet de Palais des congrès…
« On ne se lance pas dans un tel projet sans vérifier certaines choses… Jusqu’en 2020, dans notre projet d’investissement annuel prévisionnel de huit millions d’euros, ça passe. Sauf en 2016 ou 2017. Un Calaisien rencontré dans une brocante m’a dit que ce centre ne servirait à rien. Il a raison. Seul, ce centre n’a aucun intérêt. Mais couplé aux autres équipements du territoire : Cap Blanc-Nez, golf, rénovation de Calais-Nord, de la plage, les berges et canaux… Cela devient cohérent. Il y a trente millions de personnes à capter tous les ans… »
Le Front national représente-t-il un danger à Calais pour 2014 ?
« Le MRC a un rôle à tenir sur ce sujet. Il faut remettre de l’humain dans les quartiers, être présent, proposer des choses et notamment de la fraternité. Les valeurs de la République sont une réponse au FN. Et leurs idées sont des leurres »
Avez-vous fixé une date d’entrée en campagne pour les municipales, seul ou au sein d’une liste ?
« Non. Et je n’attends pas une campagne politique pour être sur le terrain. Je fais des permanences toutes les semaines, je reste en relation avec la population en étant au moins deux fois par semaine dans les quartiers. On rencontrant la population, j’affine la politique publique. C’est par exemple comme cela que nous avons créé l’allocation de réussite étudiante. Il faut savoir écouter la population, c’est la première qualité d’un élu. On peut critiquer ce que je mets en place mais personne ne peut dire que ne je rencontre pas les gens »
Vous étiez membre du club DSK 62, soutenez-vous toujours Dominique Stauss-Khan ?
« Sur les affaires, je laisse la Justice faire son travail. Je ne ferai aucun commentaire. Maintenant, j’espère qu’il se reconstruira en tant qu’homme et en tant qu’homme politique ».